George Smiley

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Alec Guiness dans le rôle de George.

George Smiley est apparu sous la plume de John Le Carré en 1961 dans un livre intitulé Call for the dead (L’appel du mort). Mais on ne connait pas vraiment la date de naissance de George. Dans les anneés 20, il entre à Oxford, ce qui laisse imaginer une date de naissance au tout début du siècle. Il souhaitait travailler sur les écrivains peu connus de l’Allemagne du 17eme siècle. Mais on le détourne bien vite de cette voie de garage pour le propulser dans le club très fermé du Service Secret. Durant sa formation, il est envoyé dans une université Allemande, il confère sur Keats et rencontre de jeunes allemands qu’il pourrait recruter dans l’avenir. A partir de 1939, il fait la navette entre la Suisse, l’Allemagne et la Suède pour le compte du service. En 1943, il est rappelé en Grande Bretagne. Entretemps, il a épousé Lady Ann Sercomb. Il devient sédentaire au Secret Intelligence Service et se voit confier le management des hommes de terrain. Il travaille dans un bâtiment surnommé Le Cirque, situé à Cambridge Circus à Londres. Depuis le départ d’Ann au bras d’un pilote automobile cubain, qui a le mauvais goût d’avoir des poils noirs sur les bras, il a conservé pour lui seul la maison du 9, Bywater Street à Chelsea.

Physiquement, George est ainsi décrit dans Chandelles Noires : « Il ressemble à un crapaud, s’habille comme un bookmaker et je donnerais mes deux yeux pour avoir un cerveau comme le sien. ». Ou alors : « Court et trapu, il portait des lunettes à verres épais qui lui grossissaient les yeux. »

L’un de ses supérieurs de jeunesse parla ainsi de son mariage : « Sercomb avait épousé une grenouille-taureau, affublée d’un suroît. » Sa femme, dans l’intimité, l’appelle crapaud. Tout ceci trace de Smiley le portrait d’un homme gris, ventripotent, d’un âge certain et qui dissimule une intelligence prodigieuse sous cette apparence banale. Car George est intelligent et doté d’une mémoire alimentée par de nombreuses années passées sur le terrain. Il est intuitif, sait prendre du recul et reconsidérer une situation en inversant ses croyances originelles. Au sein du Cirque, George est vu comme une sorte de super agent traitant concerné par l’amitié, le sens de l’honneur et la fraternité. Fonctionnaire du renseignement, néanmoins cultivé, il avance sans certitudes dans un monde qui, pour lui, bascula quand, en 1937, par une nuit d’hiver, des centaines d’étudiants d’Oxford jetèrent au feu Mann, Hine, Lessing et bien d’autres.

Dès L’appel du mort, le plus sûr soutien de Smiley à l’intérieur du Service se trouve être Peter Guillam, agent secret lui aussi, plus jeune que lui mais fasciné par son intelligence. A la fin de ce roman, Ann écrit à George : elle veut revenir. Elle reviendra.

On a longtemps cru que le personnage de George Smiley avait été inspiré à John Le Carré par Sir Maurice Oldfield, directeur du SIS de 1973 à 1978 mais Le Carré a démenti. Lors d’un déjeuner entre Primakov (ex-patron du KGB) et Le Carré, celui-ci demande au russe : « A quel personnage vous identifiez-vous ? » L’autre répond : « Smiley, bien sûr . » Ce qui fait sourire, bien entendu.

Dans l’oeuvre de Le Carré, George Smiley apparaît dans L’appel du mort et Chandelles noires. A plusieurs reprises, son rôle est minimal comme dans L’espion qui venait du froid mais il est le personnage central d’une trilogie de haut niveau : La Taupe, Comme un Collégien et Les gens de Smiley. Cette trilogie narre la lutte et la victoire de George sur Karla, dirigeant de l’espionnage soviétique.

Dans La Taupe, George doit démasquer un espion soviétique infiltré depuis fort longtemps à l’intérieur du service. George est très motivé car la taupe en question est aussi l’amant d’Ann, revenue au bercail. Cette lutte à mort entre Karla et George est vécue de près par Peter Guillam mais également par un autre collègue de George, Toby Esterhase. Dans Comme un collégien, Smiley envoie au feu Jerry Westerby pour reprendre pied à Hong Kong. Installé au Cirque, pas trop loin de Connie Sachs, sa documentaliste et des mémés qui font réchauffer le thé, George vit une histoire vieille comme le monde : son Joe tombe amoureux du transfuge, tout là-bas près des rizières. Dans Les gens de Smiley, George réveille des réseaux dormants, des transfuges douteux, des espions mis au rencart et, lui-même, reprend du service sur le terrain avec un mot d’ordre : trouver le secret de Karla et le faire tomber.
George Smiley, personnage mythique de la littérature d’espionnage (qui, en fait, nous parle de la vie), doit être considéré comme l’anti-James Bond. Il opère dans la grisaille et la banalité mais abhorre la trahison. La mort lui répugne également. Il avoue des complexes d’infériorité mais se sait plus intelligent que ses ennemis du contre-espionnage. Ce qui passionne chez lui, c’est son apparence banale en contradiction avec les canons du genre. Il est discret, vaguement ringard et ce qui travaille le plus dans son corps, c’est le cerveau. George peut rester là, tel un batracien, à réfléchir pour actionner au mieux l’une de ses marionnettes à l’autre bout du monde. La tension monte au cirque pendant qu’un homme se bat contre les forces du mal et pour la « gloire du royaume ». Fabuleux joueur d’échec il converse avec lui-même car personne ne parvient à ce niveau de super-conscience. Peut-être que, par Smiley, le commun des mortels s’identifie pleinement. Personne ne demande à George et à ses fans d’avoir des muscles, du sex-appeal et de savoir effacer une bougie à cent mètres. Il peut même apparaître timide et suffisament veule pour supporter Ann, sa très belle femme qui le trompe avec régularité. C’est son talon d’Achille.

A ses débuts, le personnage de John Le Carré eut du mal à plaire en Angleterre car il annonçait de mauvaises nouvelles, laissant entendre que le contre-espionnage britannique n’était pas rose comme dans les livres de Ian Fleming. Puis le succès eut raison de ces réticences.
Livres dans lesquels George Smiley apparait : L’Appel du mort, Chandelles noires, l’Espion qui venait du froid, Le miroir aux espions, La Taupe, Comme un collégien, Les gens de Smiley, Le voyageur secret.

Adaptations cinématographiques : L’espion qui venait du froid, 1965, par Martin Ritt d’après le livre éponyme. MI5 demande protection, 1966, par Sidney Lumet d’après L’Appel du mort. Le miroir aux espions, 1969, par Franck Pierson d’après le livre éponyme.

Adaptations télévisées : Chandelles noires, 1991, par Gavin Millar, Les gens de Smiley, 1982, par Simon Langton, La Taupe, 1979, par John Irvin, d’après les romans éponymes.

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