Humeur
PubliéSi on perdait le Nord ?
Les auteurs scandinaves n’écrivent pas de romans noirs mais des romans policiers. La France entretient un flou artistique autour de cette production en nommant cela du polar, terme générique. Henning Mankell, c’est très bien, mais Wallander - un flic, donc- résoud les énigmes sans forcer. Arnaldur Indridason, c’est le même schéma : Erlandur enquète et résoud. Ake Edwardson et Anne Holt écrivent dans le même esprit mais l’emballage se veut plus actuel, plus international (en français : asservi au modèle anglo-saxon). Tout ceci renvoie évidemment à Simenon et au commissaire Maigret. Simenon et les américains ont créé le policier de détection avant tout le monde. Le background, par contre, a changé : les flics d’aujourd’hui supportent des enfants qui font la gueule et prennent de la came, la société se radicalise, la violence se fait aveugle. Ils se souviennent de leurs félures d’enfance (tous aux abris !!!), écoutent John Coltrane, ne comprennent pas les femmes et souffrent, parfois, de la prostate.
Le crédo est néanmoins le même chez ces auteurs : l’ordre doit régner. Leur écriture est classique, correcte. Les textes sont rédigés bien proprement pour que tout le monde comprenne. Concernant cette écriture (la forme) et les intrigues (le fond) on a le sentiment que ces romanciers n’ont jamais lu James Ellroy, Jean Patrick Manchette, David Peace. Qui sont, eux, des dynamiteurs, possédés par l’écriture. Mais il est vrai que ces écrivains ne publient pas du policier mais du roman noir. Là où nos amis du Nord consolident une société mourante, les autres dénoncent la pourriture ambiante. L’histoire littéraire tranchera. Car je veux croire que le polar n’échappera pas à celle-ci.