Martin et Malet.
PubliéJ’ai vu passer le texte ci-dessous sur le web. Alfred Eibel, qui a bien connu Yves Martin et Léo Malet, a joué les go-between entre les deux écrivains. Il s’en explique et nous montre cette interview que je n’avais jamais lu. Salut, Alfred.
Quand la poésie
mène au polar.
Alors que Nestor Burma poursuivait son bonhomme de chemin, Léo Malet poursuivait son chemin poétique. Les collages que l’auteur m’adressait de temps à autre indiquaient à l’évidence que le romancier Malet n’avait pas renié le Surréalisme, ni les plus étonnantes associations d’images. Quant à Yves Martin, Léo Malet n’en avait probablement jamais lu une ligne. Jusqu’au jour où je lui adressai « Je rêverai encore » que je venais de publier. Il me répondit quinze jours plus tard : « merci de m’avoir envoyé le bouquin d’Yves Martin, c’est remarquable ». Martin et Malet étaient donc fait pour s’entendre, pour entamer une de ses fructueuses conversations improvisées...
Alfred Eibel (a publié en 1975 un recueil de Léo Malet : Poèmes surréalistes 1930-1945 et Je rêverai encore d’Yves Martin).
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Yves Martin. : J’ai fait une série de questions auxquelles vous répondrez si vous voulez ou vous ne répondrez pas si vous ne voulez pas.
Léo Malet. : Ce n’est pas que je ne veuille pas... j’essaierai de répondre... Jusqu’à présent, je n’ai jamais répondu qu’en ce qui concerne mes romans policiers... je ne crois pas avoir grand-chose à dire sur la poésie.
Y. M. : Répondre dans la mesure du possible. J’ai essayé de parler quand même de Nestor Burma, bien sûr, puisque c’est une interview... le gars qui va lire les poèmes, il faut quand même qu’il voie un peu l’ensemble...
L. M. : Il faut parler de Nestor Burma dans la mesure où Nestor Burma a pris ma succession, si l’on peut dire... Parce que, j’ai réfléchi un petit peu à ce que je pourrais dire et... je dois dire que c’est une torture, parce que je ne sais vraiment pas quoi dire sur la poésie... D’ailleurs, maintenant, ma « veine poétique » est tarie... ou, peut-être, elle a glissé du plan poétique formel... les vers... les lignes typographiques qui ne vont pas jusqu’au bout de la ligne... elle est peut-être passée dans Nestor Burma, qui se conduit peut-être poétiquement dans des paysages poétiques. La poésie sous une autre forme. C’est ce que je vois.
Y. M. : Comment avez-vous rencontré le Surréalisme ?
L. M. : D’une manière curieuse. J’étais manoeuvre dans une entreprise de plomberie... C’est comme ça ¬ j’en ai parlé dans d’autres interviews ¬ que j’ai participé à l’installation du chauffage central, rue de Hanovre, dans le luxueux bordel concurrent du Chabanais... Un jour, j’étais allé livrer un bidet, rue de Clichy... j’y tiens, c’était un bidet... je suis passé devant la librairie de José Corti, qui était, à ce moment là, rue de Clichy, dans le bas, et j’ai jeté un coup d’oeil sur la vitrine et alors là, j’ai vu La Révolution surréaliste, des bouquins, etc, aux couvertures curieuses. Et, à partir de là, j’ai essayé de me renseigner. Je me suis procuré le manifeste du surréalisme, on venait de publier une réédition. Le Second manifeste, aussi. J’ai dû également me procurer Maldoror... parce que j’achetais Les Nouvelles Littéraires... ce qui a fait beaucoup rire André Breton, plus tard, quand il a appris que j’étais un lecteur de ce canard qu’il ne prisait pas du tout... On devait parler de Maldoror dans Les Nouvelles Littéraires. Et ma femme et moi, avions vu, au Studio 28, le Chien andalou, le film de Bunuel et Dali... Tout ça s’est passé, en somme, dans un laps de temps assez court... Je voudrais ajouter quelque chose, tout de suite... André Breton... Le rire d’André Breton... Tout le monde parle du pape... le pape... un bonhomme de marbre... Moi, je l’ai vu rigoler comme un bossu, rue Fontaine, en écoutant des disques d’Offenbach... André Breton ne se prenait pas toujours pour André Breton... et s’il avait des défauts, il n’avait pas QUE des défauts. Bon, alors moi, je lis les Manifestes, et l’écriture automatique, c’était tentant... j’écrivais des poèmes, avant , bien sûr...
Y. M. : Des poèmes de quelle inspiration ?
L. M. : Paul-Jean Toulet, Carco, Salmon, peut-être... avec rimes, n’est-ce pas ? Toujours un peu dans la lignée, du point de vue métrique... octosyllabique... dans la lignée des ballades de Villon... J’en avais écrit des quantités, des choses de ce genre. Mais tout ça n’allait pas très loin. Alors, quand j’ai eu connaissance du Surréalisme, c’était extrêmement tentant de voir que l’on pouvait devenir un génie en laissant simplement courir la plume sur le papier, et alors je me suis essayé au texte automatique. Etait-ce bon, était-ce mauvais ? vraiment, je n’en sais rien, mais enfin quand j’ai lu le Second manifeste ¬ et il y avait des côtés politiques qui m’intéressaient ¬ alors, tout ça ensemble, ça a fait que j’ai écrit à Breton... Genre bouteille à la mer, parce que, vraiment, je me disais : un type comme ça, surtout qu’on m’avait dit que les surréalistes étaient des personnages fort peu accueillants, assez distants... très riches... Moi, j’ai connu André Breton très pauvre, à certains moments... Enfin, j’ai tenté le coup. Je lui ai écrit, ma lettre lui a plu, ce que je lui ai envoyé lui a plu... il m’a demandé d’aller le voir au Café Cyrano, le fameux Cyrano de la place Blanche, dont tout le monde parle, aujourd’hui, surtout ceux qui n’y ont jamais mis les pieds. Et voilà... J’ai fait la connaissance de Breton... C’était le 12 mai 1931... A partir de ce moment là, eh bien, j’ai continué à écrire des poèmes, pas tellement, d’ailleurs, parce que, vous voyez, ce recueil de poèmes, on peut dire que ce sont mes « oeuvres poétiques complètes ». Ce n’est pas très gros, comme bagage poétique. C’est pour ça que je dis qu’il a dû se produire comme un glissement... et cette poésie dont j’étais possédé est peut-être passée dans mes romans. Aux dire de certains, pas mes dires à moi, moi je ne vous répète que ce que certains critiques ont dit, puisqu’ils ont trouvé un accent poétique à mes bouquins...
Y. M. : Oui, oui... c’est indéniable.
L. M. : Bon, alors je ne vais pas le nier quant à moi... je suis tout à fait d’accord... (rires).
Y. M. : On va revenir en arrière, si vous voulez. Avant la rencontre avec André Breton, vous êtes donc monté à Paris, venant de Montpellier, et vous aviez, je crois, seize ans.
L. M. : Oui.
Y. M. : Vous avez débuté à la « Vache Enragée », à Montmartre.
L. M. : Comme chansonnier. J’étais monté à Paris pour être chansonnier montmartrois. J’ai débarqué chez André Colomer, que j’avais connu à Montpellier... une tournée de conférences anarchistes... J’étais un « vieux » lecteur du Libertaire. Colo en était le « rédacteur en chef ». Mais l’affaire Philippe Daudet a conduit Colo à se séparer du Libertaire. Il a fondé L’Insurgé. J’avais suivi Colo dans sa scission. Je débarque chez lui, et Madeleine Colomer. C’était le 1er décembre 1925. Quelques jours passent et Colo me dit : va voir Vincent Hyspa, il t’introduira à Montmartre. Il me donne un mot pour Hyspa, chansonnier aux « Noctambules ». Hyspa était de Toulouse ou de Carcassone. Moi de Montpellier. Hyspa était, de loin, un des plus marrants chansonniers du temps. Il prétendait être Belge... A cause de son accent ! Je vais le voir et il me donne un mot pour Maurice Hallé, poète beauceron, maire de la Commune Libre de Montmartre et directeur du cabaret de « La Vache Enragée », place Constantin-Pecqueur. « La Vache Enragée »... tout le monde y a débuté... Souplex, pour ne parler que de lui... moi, j’ai débuté à la « Vache » le 25 décembre 1925... Deux ou trois petites chansons de mon cru... pas fameuses... Enfin, pendant plusieurs mois, j’ai été chansonnier, et puis, après, j’ai laissé tomber, j’ai fait toutes sortes de choses... là, maintenant, les souvenirs sont assez confus... 1926... En 1928, j’ai fondé avec Lucien Lagarde, un chansonnier qu’on connaît peu, maintenant, mais qui a écrit beaucoup de chansons populaires... j’ai fondé un cabaret au Quartier Latin... cabaret montmartrois... vous allez vous marrer : « Cabaret Montmartrois » au Quartier Latin !
Y. M. : Et ça s’appelait comment ?
L. M. : « Le Poète pendu ». Et j’avais trouvé le slogan : « Tire la langue aux imbéciles ». Alors, c’est peut-être ça qui a fait fuir les clients, en tout cas, ça les a empêchés de venir. Qu’est-ce que c’est que ce type là, qui tire la langue aux imbéciles ? On ne va pas aller faire le couillon dans cet endroit-là. Alors, ça a marché le temps de quelques mois. Et tout ça, c’était avant les poèmes.
Y. M. : Vous avez quand même eu une activité poétique intermittente...
L. M. : Oui... parce que... je m’intéressais toujours quand même à la poésie... bon, ce que je faisais était mauvais, comme chansonnier. C’était mauvais comme tout. Mais il y avait quand même ce désir... j’étais un artiste, en somme... j’avais toujours eu ce côté artiste... à quoi, d’ailleurs, rien ne me destinait, parce que ma famille était vraiment... c’était pas des intellectuels, absolument pas.
Y. M. : Ah, vous savez, ça... Hohohoho...
L. M. : Ah ! il y a quand même une filiation...
Y. M. : Oui, parfois, pas toujours.
L. M. : Enfin, chez moi, vraiment rien. Mon grand-père était tonnelier, ma grand-mère ne savait ni lire ni écrire, ma mère était couturière, mon père employé de magasin, mon oncle était tonnelier. Il faut dire... si ! je pense que du côté de mon père, il y avait un personnage qu’on appelait l’oncle Diamant, que je n’ai pas connu parce qu’il était mort bien avant que je naisse, je crois, et c’était un type qui, le soir... oui, c’était un personnage assez original, il s’amusait à rôder autour du cimetière de Saint-Bauzille-de-Putois avec un drap de lit sur les épaules... alors, c’est peut-être de là... que ça vient, ma vocation poétique...
Y. M. : Oui, parce que ça, c’est vraiment... presque surréaliste, avant la lettre...
L. M. : Et puis, le côté fantastique que j’aime bien, tout ça, oui... oui, c’est peut-être de là que ça vient. Autrement, il n’y avait rien qui me destinait...
Y. M. : spécialement...
L. M. : Non. Je dois dire que ces derniers temps... bon, maintenant je n’ai plus de famille... mais les derniers débris de ma famille... j’ai toujours été persuadé qu’ils ont été très surpris de me voir écrire des livres, mais ils m’ont toujours considéré... c’est peut-être un con, ce que je dis là... mais je ne crois pas... avec une espèce de terreur... vraiment !... comment peut-on écrire des livres !... mon grand-père maternel... celui qui m’a élevé... j’ai été orphelin à quatre ans... de père et de mere... il aurait apprécié, mais quand j’ai eu mon nom sur une couverture de bouquin, il était mort depuis longtemps...
Y. M. : Pour en revenir à la poésie... au surréalisme... Peut-on vous demander pourquoi la période de vos poèmes... pourquoi ça s’est arrêté en 1945. Qu’est-ce qui s’est passé ?
L. M. : Quand j’ai commencé à écrire mes romans, j’ai encore écrit quelques poèmes et petit à petit il y a eu une stérilisation du côté de la poésie. J’étais incapable... d’écrire un poème. Les images ne sont pas venues et si des images sont venues, je les ai utilisées quand j’écrivais de la prose. C’est là que, je vous dis... un glissement d’un niveau à un autre, d’un plan à un autre...
Y. M. : Si j’avais à définir votre poésie, je choisirais volontiers cette phrase dans sa brièveté... étonnante dans sa brièveté : « L’amour sous peine de vie »... C’est un programme particulièrement surréaliste. Léo Malet, pour vous, qu’est-ce que la poésie ?
L. M. : Voilà, justement, voilà le hic. Quelle heure est-il ? Mais je ne sais pas, moi, ce qu’est la poésie. Mais qui peut me dire ?
Y. M. : Mais justement...
L. M. : Et qui peut me répondre ? Moi, j’ai l’impression... qui peut répondre à cette question ? Des gens qui font le métier d’expliquer. Moi, je n’explique rien... A huit ans, j’ai commencé à écrire des livres et à écrire des poèmes, et... je ne sais pas, c’était purement instinctif... je suis un homme d’instinct. Mes romans, je les ai écrits instinctivement, les poèmes, je les ai écrits d’insticnt... « L’amour sous peine de vie »... c’est peut-être une espèce de pirouette, c’est peut-être un calembour... un jeu de mots... Dans Hurle à la vie, il était question de cimétière... « Mes blocs d’almanach, mon beau calendrier de plomb de granit et de marbre »... Mes blocs d’almanach, pour moi, ça représentait un cimetière parce que les pierres tombales sont comme ça et les blocs d’almanach, vous savez, les éphémérides, ça représente une pierre tombale. Vous voyez l’image. C’est purement... ça vient comme ça...Qu’est-ce que la poésie ? Des académiciens vous diraient : « C’est ce qui aide à supporter la vie... C’est ce qui sublime »... C’est du poil de cul pour coupeur de poils en quatre, peut-être. Je ne sais pas. Je ne sais pas ce que c’est, la poésie.
Y. M. : Il y a une autre phrase qui m’a beaucoup frappé, c’est : « N’oublie pas que mon nom commence par le maître-mot, la lettre mot : M. »
L. M. : Alors ça, ça m’est venu un jour que je me suis aperçu que mon nom, Malet, commençait par un M. J’ai dit : M, (Aime), c’est le maître-mot, c’est la lettre... la lettre-mot... Alors, ça, est-ce surréaliste, ne l’est-ce pas ? Je ne sais pas. Est-ce surréaliste, par exemple, les calembours de Marcel Du-champ ? « Rose Sélavy... Rose, c’est la vie... Rose Sélavy et moi, nous esquivons les ecchymoses des esquimaux aux mots exquis »... C’est le problème du langage, aussi, peut-être. Le problème du langage se pose avec cette histoire de maître-mots et de lettres-mots. Mais c’est purement instinctif, c’est purement brutal, c’est purement animal.
Y. M. : Et le titre : Ne pas voir plus loin que le bout de son sexe ?
L. M. : Eh bien, celui là, il dit bien ce qu’il veut dire. C’est une transposition du nez en question... c’est un titre très transparent. C’est comme Hurle à la vie, d’ailleurs.
Y. M. : C’est des manifestes, ça, d’ailleurs...
L. M. : En somme, j’ai l’impression que j’essaie de concilier les contraires... On hurle à la mort, bon, je hurle à la vie...
Y. M. : Dans ce poème, justement, Ne pas voir plus loin que le bout de son sexe, il y a, à mon avis, deux caractéristiques... qu’on trouve dans le surréalisme. Il y a l’humour... je peux en citer, si vous voulez, disons deux vers : « Voyez / poliment mon sexe tel un chapeau se soulève / devant vous »... Ca, c’est l’humour, c’est le côté surréaliste. Mais il y a également l’érotisme... dans cet érotisme il y a des chose que j’ai relevées dans ce poème que je trouve personnellement très belles, je vais vous dire lesquelles : « Ta nuque nocturne fait de chacun de nous un brouillard (...) Une belle poitrine attire / une belle poitrine retient / que de tendres soins elle réclame / de ma main brillante qui ne pique pas »... Il y a l’humour, à la fois, et l’érotisme... J’ai relevé également dans ce poème : « Vos jambes souples et soyeuses / croisées à des hauteurs mortelles tes bottes de velours / ah / le poète à ce moment pousse un cri »...
L. M. : C’est là qu’il est atteint à la ligne de flottaison...
Y. M. : Oui. J’ai noté également : « Debout les jambes légèrement écartées / debout les mains aux hanches / accroupie / couchée sur le dos les jambes tendues et écartées / étendue sur le ventre / étendue sur le dos / les bras en arrière / les cuisses sur le bassin... »... C’est vraiment les deux caractéristiques...
L. M. : Oui, ça, c’est l’utilisation d’un texte qui n’est pas de moi. Comme quand on sort des phrases d’un chapeau. C’est un texte de gymnastique... on pourrait dire de gymnastique de beauté, mettons. Voyez, on fait des mouvements pour faire tomber le ventre... J’ai découpé là-dedans des phrases de façon qu’elles donnent une image qui n’est plus du tout celle de la gymnastique suédoise ou de beauté.
Y. M. : Oui, c’est la technique du collage.
L. M. : Voilà !
Y. M. : Du détournement...
L. M. : C’est le détournement de l’objet, le détournement de la phrase...
Y. M. : Comme on fait des affiches...
L. M. : Oui. C’est presque... on peut dire que le surréalisme, après tout, a une grande tendance au détournement de l’objet, à la substitution...
Y. M. : C’est une subversion du langage au deuxième degré.
L. M. : Oui, subversion, voilà.
Y. M. : Il y a une phrase, dans le même poème, qui m’a frappé. C’est : « Il s’agit d’un suicide mutuellement accepté ».
L. M. : Oui. Alors, là ... Le poème est une chose bizarre qu’il ne faut pas déflorer, parce que j’ai l’impression que chacun, chaque lecteur y voit son univers. Alors des fois on dit : le poête a voulu dire ça, le lecteur qui, lui, y a vu autre chose, est peut-être déçu. Mais là, il faut que je m’explique sur ce machin là. Ce suicide... Dans mon esprit, c’était ... C’est l’accouplement. C’est l’accouplement où, après l’orgasme, les deux être tombent morts, pour ainsi dire. Alors, c’est un suicide, c’est à dire : « Tuons-nous dans l’acte sexuel », mais... j’ai l’impression... je n’ai pas su exprimer ce que je voulais dire. parce que... vous l’avez pris comment, tout ça ? Ça vous a plu ou ça vous a paru, au contraire extrêmement... plutôt bizarre... plutôt con ?
Y. M. : Ça m’a paru... disons... extrêment tragique... enfin, désespéré.
L. M. : Oui, oui, ça l’est, mais c’est tragique, d’ailleurs, c’est tragique.
Y. M. : C’est la dernière phrase, si mes souvenirs...
L. M. : Oui, c’est la dernière phrase, je ne veux « pas voir plus loin que le bout de mon sexe », titre qu’il ne faut pas oublier. C’est l’accouplement, c’est l’aboutissement de l’accouplement.
Y. M. : (...) Vous dites : « La poésie, on ne sait pas ce que c’est » , mais quand même...
L. M. : Attention ! Moi, je ne sais pas ce que c’est. Il y a des gens qui vous feront des livres de 300 pages là-dessus, pour vous expliquer...
Y. M. : En 1943, Le frère de Lacenaire est votre texte-clé, à mon avis, votre chef d’oeuvre surréaliste, proprement dit, il soutient la comparaison avec les grands textes d’André Breton. Dédié à Maurice Heine...
L. M. : Le frère de Lacenaire c’est, si l’on veut, Eugen Weidmann, l’assassin. Je devais, avec Maurice Heine et Henri Pastoureau, aussi, je crois, écrire une brochure sur Weidmann. Ca ne s’est pas fait. Il y a eu la guerre. Maurice Heine est mort, un peu avant l’occupation. Je l’ai dédié à sa mémoire et en souvenir du texte sur Lautréamont, dans Minotaure, qu’il m’avait dédié.
Y. M. : La réédition de vos poèmes fera découvrir, du moins je l’espère, des feuillets confidentiels, mais aussi plusieurs inédits... par exemple, un texte qui date de 1944, et qui est une des condamnations les plus violentes et les plus féroces, et à mon avis des plus justes, de la guerre et de la bonne conscience...
L. M. : Ça, ce n’est pas un poème surréaliste.
Y. M. : Cette réédition permettra peut-être de vous mettre à votre vraie place qu’ont parfois oublié les historiens du surréalisme et surtout, à mon avis, les post-surréalistes qui paraissent plus soucieux d’être un peu à la remorque d’un Breton que de mettre les choses et les gens à leur vraie place. Vos poèmes, ils existent... Ils existaient, à l’époque... et pourtant, vous ne figurez dans aucune anthologie. Du moins, à ma connaissance.
L. M. : Je m’en accommode fort bien. Mais je crois que Henri Pastoureau et Marcel Jean, chacun de leur côté, ont établi aussi une Anthologie. J’y figure, paraît-il. C’est peut-être aussi bien d’être négligé par les autres.