L’amour et le soleil c’est pareil.

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L’amour et le soleil c’est pareil.
(Lamballe 2018)

Ils m’ont collé au sous-sol de Leroy-Merlin avec les meubles de jardin, évidemment. J’ai beau avoir précisé au Comité d’Entreprise que j’étais un transat de salon, je passe ma vie entre les fauteuils à l’osier synthétique et les tables à lamelles que les fourmis affectionnent. Je suis dans un coin déserté par la nature humaine et, jusqu’à vendredi, l’éclairage pourri me filait la dépression. Mais vendredi, ils ont réparé les néons et j’ai pu contempler mes amis de fortune. Et là j’ai eu un choc : des transats japonais en bayadère jaune et vert. On croit rêver, plus personne ne met du bayadère sur les transats depuis les années 70. J’en ai marre de survivre entouré par des ringards sans volonté esthétique. En plus, ils coupent le chauffage et ça caille un max. Devant ma mine défaite, Momo, le manutentionnaire, me glisse parfois un coussin. Un peu de chaleur dans ce monde cruel, c’est pas de refus. Nous sommes lundi et c’est le jour des allemands. Je ne sais pas pourquoi mais les frisés débarquent toujours en début de semaine avec leurs boites de bière. Ils font « Ach, bé zé une transate » et se laissent choir sur mon bide en poussant des cris de contentement. Celui d’aujourd’hui a déjà pété trois fois en dix secondes et il appelle maintenant son fils qui parade en culotte de peau avec un martinet clouté à la main. Mais les plus pénibles, ce sont les gros. Ils veulent toujours qu’on leur scie les accoudoirs car ils n’arrivent jamais à passer entre les deux. « Et si la toile se déchire, on a une assurance ? » Moi, dès ce soir, j’en parle au syndicat : je veux partir au soleil. Tant qu’à passer pour un transat de jardin autant jouer le coup à fond. Le problème, c’est les tables basses en rotin, elles veulent aussi migrer sur la côte. Chiennes. J’adhère depuis dix ans à mon syndicat de merde et maintenant je veux un retour sur cotisations. J’en ai marre des transats de chochote de Tectona qui font la loi dans la région marseillaise. Avec des armatures en bois des iles et des toiles cousues à la main. Le meuble de jardin à deux vitesses, ça fait chier.
Au début, j’avais de l’espoir. Je me disais que les parisiennes affriolantes allaient s’avachir sur ma toile. Des filles pas farouches qui se laisseraient lutiner par des rustauds encore branchés sur les Halles et la soupe à l’oignon. Le genre « Alors poulette, si on jouait à la bête à deux dos, je connais un transat chez Leroy qui a tendance à m’exciter. » Ce genre-là. Ou bien des femmes langoureuses qui s’ennuient en banlieue et qui montent à Paris pour faire les folles, le vendredi, quand tous les acheteurs pensent déjà aux délices du week-end. J’avais en tête des filles exotiques qui dénoueraient leur paréo pour se lover telles des chattes sur mon chez-moi. Mais non.
Du coup, j’ai passé la vitesse supérieure et j’ai chopé le catalogue de la boîte. Et c’est écrit très proprement en page 3 : ils ouvrent un nouveau magasin du côté de Marseille, à deux pas des calanques. Moi, ma préférée, c’est les Goudes. Je vais remplir tous les papiers au syndicat et demander une mutation vers le sud. Je peux dire que ma toile de salon a tendance à moisir sous les 15 degrés, ou que, quand j’éternue, c’est mauvais pour mon armature en plaqué chêne que le magasin entier m’envie. Mais je ne dirai pas la raison profonde qui me motive. Ce que j’attends dans la fébrilité c’est le soleil caressant ma toile en coton, couleur feuilles d’automne qui souffre de l’air raréfié du sous-sol. Mais surtout j’attends les cagoles radieuses qui viendront se trémousser et frotteront leurs merveilleuses fesses contre moi. Oh dieu, merci pour l’été qui s’annonce et pour tout ce sexe à portée d’accoudoirs. Je les hume déjà, les gamines de 18 printemps, dans leurs strings encore humides d’une station dans la flotte. Je les entends débiter des monceaux de conneries lues sur les réseaux sociaux. Mais mon moment préféré, je le pressens déjà, sera celui où, pour bronzer intégral, elles jetteront leurs soutien-gorge à leurs fans pré-pubères et presseront contre mon visage extatique leurs seins vifs et bronzés. Laissez venir à moi toutes ces chairs salées qui me vengeront de deux années de cachot au sous-sol des Halles. Mais attention : je n’ai rien contre les femmes madrées aux abords de la quarantaine qui, timidement, baisseront leurs bretelles de maillot en feuilletant d’un doigt négligent le dernier Guillaume Musso.
Je ne raconterai pas tout ça au syndicat mais c’est l’idée, si vous voyez.

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